Opacité des Accords mondiaux de libre-échange :
Wikileaks #Wikileaks lance un financement participatif de 100.000 €
(Écran) (Photo de Julian Assange) Julian Assange, Éditeur en chef, Wikileaks
100.000 € de récompense
pour [des informations sur] le secret le plus recherché d'Europe :
Le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement
"TTIP" (ou "PTCI")
Voix off : Wikileaks est en train de rassembler 100.000 € de récompense [pour des informations sur] le secret le plus recherché d'Europe : Le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement [PTCI]
John Pilger, journaliste d'investigation : C'est quelque chose d'énorme. Il s'agit d'un contrôle terminal. Il s'agit des États-Unis qui disent : "Il se peut qu'il existe un autre pouvoir dans le monde, mais nous, nous serons le pouvoir ultime."
Julian Assange, rédacteur en chef de Wikileaks : Le TTIP (Le PTCI) est ce qui se passe de plus important en ce moment même en Europe.
C'est un accord qui se négocie en catimini entre l'Europe et les États-Unis.
Voix off : Une fois signé, il cimentera des éléments cruciaux du plan du gouvernement étasunien visant à créer un nouveau bloc mondial qui assurera la domination de quelques-unes de ses plus grosses entreprises, et pour le comprendre, il nous faut remonter aux années 1950 : (Dinah Shore, chanteuse) "...Visitez les USA dans votre Chevrolet, L'Amérique vous lance un appel Conduisez votre Chevrolet dans tous les USA..."
Voix off : Après la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis représentaient la moitié de l'économie mondiale. Aucun autre pays ne pouvait rivaliser avec son influence et ils pouvaient rédiger à leur avantage les seules règles du commerce international qui existaient. L'Organisation Mondiale du Commerce a été créée dans ce contexte et les États-Unis dictaient les règles qui favorisaient les entreprises américaines. (Dinah Shore) "Prenez rendez-vous pour visiter les USA, Voyez-les dans votre Chevrolet !" Voix off : Mais lorsque des économies de pays tels que la Chine ou l'Inde ont adhéré à l'OMC, l'arène s'est démocratisée et les États-Unis ont eu plus de peine à contrôler ses prises de décision. John Pilger : C'est l'OMC et les cycles de Doha, l'Inde s'est exprimée, et le Brésil s'est exprimé, et les USA ont perdu le contrôle.
Pascal Lamy, Chef de l'OMC : Je crois qu'il ne sert à rien de tourner autour du pot : cette réunion a échoué.
Voix off : Les États-Unis avaient besoin d'une nouvelle stratégie pour maintenir leur domination mondiale. Si bien que dans un style américain classique, ils ont vu grand. Afin de contourner l'OMC, ils sont en train de créer les plus grands accords internationaux jamais vus dans le monde. On les appelle les "3 grands T" : le Trans-Pacific Partnership -- le Partenariat transpacifique -- ou TPP (PTP), le Trans-Atlantic Trade and Investment Partnership -- Le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement -- ou TTIP (PTCI), et le Trade in Services Agreement -- l'Accord sur le commerce des services-- ou TiSA (ACS). Et ils sont tous négociés en secret, en ce moment même.John Pilger : Quand nous l'avons découvert, quand Wikileaks a eu la possibilité d'en faire fuiter des éléments...
John Hilary, directeur exécutif de War on Want : Ce qui est intéressant, quand vous passez en revue toutes ces transactions, qu'il s'agisse du TTIP (PTCI), TPP (PTP) ou TiSA, c'est que la Chine en est exclue, mais aussi le Brésil, la Russie, l'Inde, l'Afrique du Sud. Ils sont tous exclus parce qu'il s'agit des économies émergentes.
Matt Kennard, Centre for Investigative Journalism : Ce qui n'est pas souvent compris, c'est que ces accords font partie d'une guerre géopolitique. Il s'agit d'une nouvelle guerre, qui se déroule aux États-Unis et en Chine. Les États-Unis ont très peur de la montée de la Chine. Ils en sont arrivés à encercler militairement ce qu'on appelle le pivot de l'Asie, et ils s'apprêtent à le faire économiquement.
Julian Assange : L'idée de base qui vient quand on lit les documents de la stratégie US, c'est qu'il s'agit de la construction d'une nouvelle grande enceinte, et d'y placer les États-Unis, 51 autres pays, 1,6 milliard de personnes, et les deux-tiers du PIB mondial ; d'y intégrer l'Amérique Latine, en l'éloignant du Brésil et en la rapprochant des États-Unis ; d'y intégrer l'Asie du sud-est en l'éloignant de la Chine et en la rapprochant des États-Unis ; et d'y intégrer l'Europe occidentale tout en l'éloignant de l'ensemble de l'Eurasie et en l'attirant vers l'Atlantique.
Voix off : Des "3 grands T", Wikileaks a révélé quatre chapitres du TPP (PTP) qui affectent 12 pays d'Amérique et d'Asie du sud-est. Nous avons aussi obtenu la liste du texte juridique du TiSA, qui affecte 52 pays dont l'UE, mais presque l'ensemble du TTIP (PTCI) est encore secret. Lorsqu'il sera signé, le TTIP (PTCI) couvrira la moitié du PIB mondial, et affectera chaque État-membre européen. Malgré cela, les parlementaires de l'UE se voient confrontés à de sérieuses restrictions d'accès [au texte de] l'accord proposé. Jean Lambert, Députée européenne, Parti des Verts : Oui, j'ai trouvé ça incroyable, moi aussi, s'agissant d'un accord commercial -- et non d'une question de vie ou de mort en termes de sécurité, où on pourrait comprendre qu'il y ait des restrictions, même si nous ne les apprécions pas trop.
Mais pour un accord commercial ? Savez-vous qu'on ne peut en fait pas prendre de notes sur ce que nous lisons, des questions que nous aimerions pouvoir sortir afin de les examiner -- ce qui pourrait en fait nous rassurer ! -- si vraiment nous pouvions les emporter, et les examiner en profondeur.
John Hilary : Nous ne pouvons avoir accès aux documents cruciaux, aux plus importants parce que tout est dans les détails, et quand il s'agit d'accords commerciaux, on a besoin de savoir exactement ce qui se trouve dans le texte, de façon à pouvoir en évaluer les futures conséquences.
Julian Assange : Si les parlementaires de l'UE veulent consulter le TTIP (PTCI), il leur faut appeler l'ambassade des États-Unis et prendre rendez-vous. Les rendez-vous sont possibles deux jours par semaine avec des créneaux de deux heures. Seuls deux parlementaires sont autorisés à la fois. Ils se rendent à l'ambassade des États-Unis, doivent se séparer de tout appareil électronique de manière à ne pouvoir prendre copie, doivent accepter de ne rien dévoiler, puis on les emmène dans une salle de lecture sécurisée, où deux gardes de l'ambassade des États-Unis observent tout ce qu'ils font.
Comment, dans ces conditions, les parlementaires de l'UE peuvent-ils réellement comprendre ce qu'ils sont en train de négocier au nom de l'Europe ?
Voix off : Les plus grandes entreprises mondiales n'ont pas ce problème. Elles ont été reçues en VIP dès le premier jour, et elles disposent d'une grande influence dans les négociations. John Pilger : Les gens comme vous et moi sont exclus. Les gouvernements, dans une grande mesure, sont exclus. Celles qui en revanche sont acceptées, ce sont les entreprises multinationales.
Matt Kennard : Ces accords sont avant tout des accords de propriété pour les entreprises. Ce qui est curieux concernant les accords de libre-échange, tels que nous les comprenons, c'est qu'ils n'ont souvent rien à voir avec le commerce, au sens de l'abaissement mutuel des tarifs [douaniers]. Ils consistent en fait à incorporer un régime de droit des investisseurs dans leurs pays respectifs et de s'assurer qu'une grosse entreprise peut s'en donner à cœur joie dans leurs économies respectives avec très peu de règlementation ni de contrôle de la part du gouvernement ou des autorités.
Claire Provost, Centre for Investigative Journalism : Ces traités vont avoir d'énormes, d'énormes conséquences dans littéralement toutes les questions critiques qui préoccupent un citoyen lambda ou une communauté : la santé publique, l'éducation, l'environnement, la confidentialité, l'accès aux médicaments. Et la liste n'est pas exhaustive.
Voix off : Un des aspects les plus critiqués du TTIP (PTCI) est un système nommé l' investment-state dispute settlement -- le règlement des conflits entre État et investisseurs (ISDS). Car l'ISDS est un tribunal international opaque qui autorise les compagnies à poursuivre en justice des États à propos de pratiquement tout ce qui, selon eux, affecte leurs investissements. Claire Provost : Si une manifestation protestataire affecte des investissements, ils peuvent poursuivre en justice ; si des lois affectent leurs bénéfices, ils peuvent poursuivre en justice. Si une nouvelle règlementation pourrait impacter où ils veulent placer leur argent ou ce qu'ils veulent en faire, ils peuvent poursuivre en justice.
John Hilary : C'est là un nouveau pouvoir qui va être donné aux grosses entreprises étasuniennes, qui leur permettra de poursuivre les gouvernements européens en utilisant un système judiciaire parallèle disponible pour eux seuls, si bien que les gens n'y ont pas accès, que les firmes locales n'y ont pas accès, que les gouvernements n'y ont pas accès. C'est réservé aux investisseurs étrangers, dans le cas présent, aux grosses entreprises étasuniennes.
Voix off : Fondé sur l'histoire de l'ISDS, les critiques affirment que la souveraineté des États européens et la démocratie sont confrontées à des risques graves. Les poursuites précédentes incluent par exemple celles de l'entreprise suédoise Vattenfall, qui a poursuivi en justice l'État allemand pour 3,7 milliards de dollars pour avoir décidé l'élimination progressive du recours à l'énergie nucléaire ; British-American Tobacco, qui a poursuivi l'Australie pour avoir passé une loi limitant la publicité en faveur des cigarettes ; la compagnie française Veolia a poursuivi l'Égypte pour avoir relevé le salaire minimum. Les partisans du TTIP/PTIC déclarent que pour permettre à l'UE et aux USA de devenir un marché unique, il faut éliminer les obstacles règlementaires. Ainsi, par exemple, un fabricant étasunien de ceintures de sécurité qui en vend déjà chez lui, n'aurait pas besoin d'en faire de nouveau réévaluer la sécurité, puisque l'UE accepterait de reconnaître les normes de sécurité US. Ils affirment que cela réduirait les coûts, créerait des emplois, et ferait baisser le prix payé par le consommateur, mais les normes étasuniennes sont-elles vraiment sûres ? John Hilary : Aux États-Unis 70 % des aliments transformés vendus dans les supermarchés contiennent des ingrédients génétiquement modifiés. Tandis que dans l'Union Européenne, nous avons clairement déclaré que nous ne voulions pas d'ingrédients OGM dans notre chaîne alimentaire.
De même, aux États-Unis, 90 % du bœuf est produit en utilisant des hormones de croissance, dont on a découvert qu'elles étaient cancérigènes chez l'humain. Donc, elles sont interdites dans l'Union Européenne. Et ce que dit le gouvernement US, c'est que selon le TTIP (PTCI), selon les règles de libre-échange qu'ils cherchent à introduire, les consommateurs européens n'auront pas le droit de choisir.
Voix off : Le TTIP (PTCI) concerne tous les plus importants secteurs publics, dont l'éducation, l'eau, les chemins de fer, les services postaux et -- ce qui est très controversé -- il inclut aussi les services liés à la santé publique. Matt Kennard : Ce qui rend les choses si effrayantes, c'est que les grosses entreprises veulent verrouiller leur pouvoir, si bien qu'elles veulent non seulement augmenter leur pouvoir, mais rendre aussi impossible à des gouvernements souverains d'inverser les changements qui vont leur donner ce pouvoir. Par exemple, si le TTIP (/PTCI) passe, y compris l'ISDS, la privatisation du service public de santé, qui se produit actuellement au Royaume-Uni, ne pourra jamais être inversée.
John Pilger : Qu'y a-t-il de démocratique dans le fait d'imposer un énorme pouvoir à des pays dont les citoyens n'ont aucun moyen de savoir ce qui se passe, d'en débattre, ni d'influencer leur gouvernement dans sa décision ?
Cela, c'est antidémocratique.
Julian Assange : L'histoire de ces accords montre qu'ils sont très difficiles à modifier, à moins que les gens puissent savoir ce qu'ils contiennent. C'est la raison pour laquelle on les garde secrets. Parce que lorsque leur contenu est révélé, cela crée une opposition.
Voix off : Wikileaks a considérablement réussi à retarder le TPP (PTP) et à ouvrir des débats à son sujet, de même que le TiSA, en publiant le texte provisoire secret. Le fait d'avoir publié l'ACTA -- un accord USA-UE proposé antérieurement -- a complètement tué ce dernier. Wikileaks est en train de rassembler une récompense de 100.000 € pour [des informations sur] le secret le plus recherché d'Europe : le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP/PTCI). Aidez le monde à devenir plus transparent. Contribuez-y. Allez sur WikiLeaks.org/ttip-reward
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