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Comment Google, Facebook, Yahoo
décident de ce que vous allez regarder
Beaucoup d'excellents articles sur le sujet...
La Nouvelle Censure
Comment Google est-il devenu le
censeur d'Internet et le maître
manipulateur, en bloquant l'accès à
des millions de sites web ?
Google, Inc., n'est pas
seulement le plus grand fournisseur
mondial d'informations, il est aussi le
plus grand censeur du monde.
L'entreprise entretient au moins neuf
listes noires différentes qui influent
sur notre vie, généralement sans l'aide
ni l'autorité d'aucun comité consultatif
externe, association industrielle, ni
agence gouvernementale. Google n'est pas
la seule compagnie à supprimer du
contenu sur Internet. On a souvent
accusé Reddit d'interdire la mise en
ligne de messages sur des sujets
spécifiques, et un rapport récent
suggère que Facebook a effacé de son
flux d'information des reportages
conservateurs, une pratique qui pourrait
avoir un effet notable sur l'opinion
publique -- et même sur des élections.
Google est néanmoins actuellement la
plus grosse brute du quartier.
Quand les employés ou les algorithmes de
Google décident de bloquer notre accès à
l'information à propos d'une nouvelle,
d'un candidat à une élection, ou d'une
affaire politique, cela peut modifier
les opinions et les suffrages, ruiner
des réputations et faire s'effondrer en
flammes des entreprises. Dans la mesure
où la censure en ligne n'est absolument
pas règlementée actuellement, les
victimes ont peu ou pas de recours quand
on leur a fait du mal. Les autorités
auront finalement presque certainement à
intervenir, comme elles l'ont fait en
1970, lorsque les sociétés de crédit ont
été encadrées. Une alternative serait de
permettre à une grande société de
détenir un pouvoir particulièrement
destructeur, qui ne serait utilisé
qu'avec beaucoup de retenue et qui
n'appartiendrait qu'au public : le
pouvoir de couvrir de honte ou
d'exclure.
Si Google n'était qu'un petit magasin
familial exhibant une pancarte annonçant
: "Nous nous réservons le droit de
refuser de servir quiconque", ce
serait une chose. Mais en tant que porte
d'or ouvrant sur toutes les
connaissances, Google est rapidement
devenu incontournable dans la vie des
gens -- presque aussi vital que l'air ou
l'eau. Nous ne laissons pas les services
publics prendre des décisions
arbitraires et discrètes leur permettant
le déni de service ; il ne faut donc pas
que nous laissions Google le
faire.
Commençons par la liste la moins gênante
et remontons dans le classement. Je
garderai pour la fin la plus importante
et la plus moche -- celle dont le public
ne sait pratiquement rien, mais qui
accorde à Google un pouvoir presque
indécent sur notre bien-être économique.
1. La liste noire semi-automatique.
Il s'agit d'une liste de mots et de
phrases exclus de la saisie
semi-automatique dans la barre de
recherche de Google. Cette dernière
suggère instantanément de multiples
options de recherche quand vous tapez
des mots du genre "démocratie" ou
"pastèque", mais elle se bloque lorsque
vous tapez des grossièretés, et il est
arrivé qu'elle se bloque quand on tapait
des mots comme "torrent", "bisexuel", ou
"pénis". En ce moment même, elle se
bloque quand j'écris "clitoris". On peut
également utiliser la liste noire
semi-automatique pour protéger ou
discréditer des candidats politiques.
Comme on l'a récemment signalé, le
système semi automatique vous donne
actuellement "Ted" (pour Ted Cruz, l'ex
candidat républicain aux
présidentielles), si vous tapez "lying"
(menteur), mais ne vous donnera pas
"Hillary" quand vous tapez "crooked"
(malhonnête) -- pas même sur mon
ordinateur, en tout cas, quand on tape "crooked
hill" (Hillary la malhonnête), qui
sont bien sûr les surnoms forgés par
Donald Trump pour qualifier Clinton et
Cruz. Si vous ajoutez le "a" de façon à
avoir"crooked hilla", vous
obtenez la très bizarre suggestion "crooked
Hillary Bernie" (NdT : "Bernie"
comme "Bernie Sanders" ?). Quand on tape
"crooked" sur Bing, "crooked
Hillary" apparaît instantanément.
La liste Google des termes interdits
varie selon la région et la personne, il
se peut donc que "clitoris"
fonctionne pour vous. (Résisterez-vous à
l'envie de vérifier ?)


2. La liste noire des cartes Google.
Cette liste est un peu plus glauque, et
si vous êtes soucieux du respect de
votre vie privée, il serait peut-être
bon d'y figurer. Les caméras de Google
Earth et de Google Maps ont photographié
votre maison pour que tout le monde
puisse la voir. Si cela ne vous plaît
pas, "vous pouvez déménager", a
dit Eric Schmidt, l'ancien PDG de
Google. Google tient aussi à jour une
liste de propriétés qu'il efface ou bien
floute sur ses images. Certaines d'entre
elles sont probablement des
installations militaires, d'autres la
résidence de gens riches, et d'autres
encore -- bon, qui sait ? des enclaves
martiennes de pré-invasion ? Google ne
le dit pas.

3. La liste noire YouTube.
YouTube, qui appartient à Google, permet
aux utilisateurs de signaler les vidéos
inappropriées, que les censeurs de
Google évaluent et qu'ils retirent
parfois, mais pas, selon un rapport
récent de Gizmodo, de manière très
cohérente -- sauf, peut-être quand il
s'agit de politique. En conformité avec
le soutient ouvert et affirmé de
l'entreprise pour les candidats
politiques libéraux (=de gauche, par
exemple démocrates - NdT), les employés
de Google paraissent beaucoup plus
enclins à interdire les vidéos
politiquement conservatrices que les
libérales. En décembre 2015, la
chanteuse Joyce Bartholomew a poursuivi
en justice Google pour avoir retiré sa
vidéo musicale ouvertement
anti-avortement, mais je ne peux trouver
aucun exemple de musique "pro-choix" qui
ait été retirée. YouTube accède
apparemment aux demandes de censure des
gouvernements étrangers. Très récemment,
en compensation d'avoir rejeté une
interdiction de trois ans de YouTube au
Pakistan, il a permis au gouvernement
pakistanais de décider quelles vidéos ce
dernier pouvait mettre en ligne ou
non.
4. La liste noire du compte
Google. Il y a quelques
années, Google a regroupé un certain
nombre de ses produits -- Gmail, Google
Docs, Google+, YouTube, Google Wallet et
d'autres -- afin que vous puissiez
accéder à tous à partir d'un seul compte
Google. Si vous violez en quelque sorte
les termes vagues et intimidants de la
convention d'utilisation, vous
rejoindrez le nombre en augmentation
constante de gens qui sont exclus de
leur compte, ce qui signifie que vous
perdrez l'accès à tous ces produits
interconnectés. Bien que pratiquement
personne n'ait lu cet engagement longuet
écrit dans un style juridique, les gens
sont néanmoins choqués quand ils sont
exclus, en partie parce que Google se
réserve le droit de "vous fournir
ces Services (...) à tout moment".
Et aussi parce que Google, une des plus
importantes et riches compagnies du
monde, n'ayant pas de service clientèle,
il peut se révéler difficile de se faire
réintégrer. (Étant donné, cependant, que
tous ces services-là collectent des
informations personnelles sur vous pour
les vendre à des annonceurs, perdre son
compte Google a parfois été considéré
comme un mal pour un bien.)
5. La liste noire des informations
Google. Si un(e) bibliothécaire
était surpris(e) en train de mettre au
panier tous les journaux libéraux avant
même qu'on puisse les lire, il/elle
pourrait avoir un tas d'ennuis. Que se
passe-t-il quand la plupart des
bibliothécaires du monde ont été
remplacés par une seule entreprise ?
Google est maintenant le plus grand
regroupeur d'informations du monde,
repérant des dizaines de milliers de
sources de nouvelles en plus de trente
langues, et il a récemment ajouté à son
inventaire des milliers de petites
sources locales. Il interdit des sources
d'information de manière sélective,
selon son bon plaisir. En 2006, Google a
été accusé d'exclure des sources
d'information conservatrices qui
généraient des reportages critiques
envers l'Islam, et l'entreprise a
également été accusée d'exclure des
chroniqueurs individuels et des
entreprises concurrentes de ses flux
d'information. En décembre 2014,
confronté en Espagne à une loi nouvelle
qui aurait taxé Google pour récupération
de contenu de sources d'information
espagnoles (lesquelles, après tout,
doivent financer la préparation de leurs
nouvelles), Google a soudain retiré
d'Espagne tous ses services d'actualité,
avec pour conséquence une chute
immédiate de la diffusion des nouveaux
reportages espagnols. Cette chute dans
la diffusion est le problème : quand un
grand "regroupeur" vous exclut de ses
services, moins de gens trouvent vos
articles, ce qui signifie que l'opinion
va s'éloigner de ceux que vous soutenez.
La mise sélective sur liste noire de
sources d'actualité est un moyen
puissant de promouvoir un agenda
politique, religieux et moral, sans
qu'on le sache.
6. La liste noire Google AdWords. Les
choses deviennent ici plus effrayantes.
Plus de 70 % des 80 milliards de $ de
revenu annuel de Google proviennent de
son service de publicité AdWords, qu'il
a mis en route en 2000, en utilisant
illégalement un système déjà
breveté par Overture Services. Son
fonctionnement est très simple : des
entreprises dans le monde entier
surenchérissent pour avoir le droit
d'utiliser certains mots-clés présents
dans des textes courts qui renvoient par
lien à leur site (ces textes d'annonce
sont les AdWords) ; quand les
gens cliquent sur les liens, ces
entreprises paient Google. Ces
publicités apparaissent sur Google.com
et autres sites web de Google et sont
également inclus dans le contenu de plus
d'un million de sites n'appartenant pas
à Google -- le "Réseau d'Affichage" de
Google. Le problème ici, c'est que si un
cadre de Google décide que votre
entreprise ou votre industrie ne suit
pas son code de moralité, il vous exclut
d'AdWords. De nos jours, étant donné
l'immense influence de Google, cela peut
rapidement vous acculer à la faillite.
En 2011, Google a couché sur sa liste
noire un groupe politique irlandais qui
défendait les travailleurs sexuels mais
ne les finançait pas. Après
protestations, Google est finalement
revenu en arrière.
En mai 2016, Google a mis sur sa liste
noire toute une industrie -- celle
des entreprises qui accordaient des
prêts sur salaire à un taux d'intérêt
élevé. Comme d'habitude, Google a
qualifié cette action dramatique
d'exercice de responsabilité sociale,
sans remarquer qu'il est lui-même un des
principaux actionnaires de LendUp.com,
qui fait partie de la même industrie. Si
Google ne met pas LendUp sur sa liste
noire (il est encore trop tôt pour le
dire), l'exclusion industrielle pourrait
se révéler avoir été plus une action
anticoncurrentielle qu'un acte de
conscience. Ce genre d'hypocrisie
s'est déjà produit au cours des
activités d'AdWords. Tandis que Google
affiche une position morale, far
exemple, en refusant les annonces
d'entreprises promettant une perte de
poids rapide, la compagnie a versé en
2011 au département de la Justice US
l'énorme somme de 500.000.000 $ pour
avoir sciemment autorisé des entreprises
pharmaceutiques canadiennes à vendre
illégalement pendant des années des
médicaments aux États-Unis via le
système AdWords, et plusieurs procureurs
généraux d'États sont convaincus que
Google a poursuivi ce genre de pratique
depuis 2011. Des enquêtes sont en cours.
7. La liste noire Google AdSense.
Si votre site web a été approuvé par
AdWords, vous êtes éligible pour Google
AdSense, un système dans lequel Google
place sur votre site des publicités pour
différents produits et services.
Lorsqu'on clique sur ces publicités,
Google vous rémunère. Si vous savez
amener des visiteurs sur votre site,
vous pouvez vous faire des millions de
dollars par an grâce aux publicités
AdSense -- sans avoir aucun produit ni
service vous appartenant. Entre-temps
Google se fait du bénéfice en facturant
les entreprises d'où viennent les
publicités parce qu'il leur apporte des
clients. Ceci représente environ 18 %
des revenus de Google. Ici aussi il y a
un scandale : en avril 2014, dans deux
messages mis sur PasteBin.com, quelqu'un
se prétendant un ancien employé de
Google ayant travaillé dans leur
département AdSense, a déclaré que ledit
département se débarrassait
régulièrement de ses clients AdSense
juste avant que Google aient à les
rémunérer. Personne à ce jour ne sait si
l'auteur des messages était ce qu'il
prétendait être, mais une chose est
claire : depuis cette période,
d'authentiques actions en justice
intentées par d'authentiques entreprises
"s'accumulent", selon WebProNews, à
l'encontre de Google, alléguant que ces
sociétés se voyaient rejetées sans
raison au dernier moment par AdSense,
juste avant que d'importantes sommes
leur soient dues, des sommes qui, dans
certains cas, pouvaient atteindre
500.000 $.
8. La liste noire du moteur de
recherche. Le moteur de recherche
omniprésent de Google est de fait devenu
la porte d'accès à pratiquement toutes
les informations, effectuant 90 % des
recherches dans certains pays. Il domine
la recherche parce que son répertoire
est extrêmement vaste : Google
répertorie plus de 45 milliards de page
Internet. Son concurrent le plus direct,
Bing de chez Microsoft, n'en répertorie
que 14 milliards, ce qui contribue à
expliquer la mauvaise qualité des
résultats de recherche de Bing.
La domination de Google dans la
recherche explique pourquoi petites et
grandes entreprises vivent dans une
constante "peur de Google", comme
l'affirma en 2014 Mathias Dopfner, PDG
d'Axel Springer, le plus grand
conglomérat européen d'édition, dans une
lettre ouverte à Eric Schmidt. Selon
Dopfner, lorsque Google procéda à un de
ses fréquents ajustements d'algorithme
de recherche, une des succursales de sa
société chuta de façon dramatique dans
le classement des recherches et perdit
70 % de sa diffusion en quelques jours.
Pire encore que les vicissitudes des
réglages, cependant, sont les
conséquences désastreuses qui se
produisent quand des employés de Google
concluent en quelque sorte que vous avez
violé leurs "recommandations" : soit
vous êtes exilé aux pages de recherches
situées après la première (90 % de tous
les clics se font sur des liens de cette
première page), soit vous êtes
complètement exclu du répertoire. En
2011, Google procéda à "une action
manuelle" de nature "correctrice" à
l'encontre du détaillant J.C. Penney --
puni pour avoir prétendument utilisé une
technique légale d'optimisation des
moteurs de recherche nommée "link
buiding" (création de liens) qu'emploie
de nombreuses entreprises pour essayer
de booster leur classement dans les
résultats de recherche de Google. Penney
a été rétrogradé de 60 places ou
davantage dans le classement.
Les manipulations de ce genre dans le
classement de recherche ruinent non
seulement des entreprises, elles
affectent aussi l'opinion des gens,
leurs attitudes, leurs croyances et leur
comportement, comme l'a démontrée ma
recherche sur l'Effet de Manipulation du
Moteur de Recherche. Des renseignements
irréfutables sur les programmes punitifs
de Google vont probablement faire
surface au cours des deux prochaines
années, grâce aux recours juridiques
auxquels est confrontée cette
entreprise. En 2014, une entreprise de
Floride nommée e-Ventures Worldwide
intenta une action en justice à Google
pour "avoir complètement retiré de son
classement de recherche presque tous les
sites Internet" associés à cette
entreprise. Quand les avocats de
l'entreprise essayèrent de mettre la
main sur des documents liés aux actions
de Google via les procédures normales
d'instruction du dossier, Google refusa
de s'y soumettre. En juillet 2015, un
juge décréta que Google devait honorer
les demandes d'e-Ventures, et ce dossier
progresse actuellement. Plus important
encore, en avril 2016, la Cour d'Appel
du Cinquième Circuit décréta que le
procureur-général du Mississippi --
soutenu dans ses efforts par les
procureurs généraux de 40 autres États
-- a le droit de procéder à de larges
demande de renseignements dans sa propre
investigation des méthodes opaques et
souvent arbitraires de Google.
Ce qui m'amène, enfin, à la plus
importante et potentiellement la plus
dangereuse des listes noires de Google
-- que Google nomme sa liste de
"quarantaine".
9. La liste de
quarantaine. Pour avoir
une idée de l'échelle de cette liste, je
crois utile de penser à un ancien film
-- ce classique de 1951 intitulé "Le
Jour où la Terre s'arrêta", dans
lequel figurait un énorme robot de métal
nommé Gort. Ses yeux étaient des rayons
laser, il faisait disparaître des êtres
humains terrifiés et avait le pouvoir de
détruire le monde. Klaatu, le
maître alien de Gort, essayait de faire
passer un important message aux
Terriens, mais ils lui tiraient dessus
avant qu'il puisse le faire. Finalement,
afin d'obtenir l'attention du monde,
Klaatu prouva l'immense pouvoir des
races aliens qu'il représentait en
coupant -- à midi, heure de New York --
pendant 30 minutes, toute électricité
sur Terre. La Terre s'arrêta.
Remplacez "rt" par "ogle", et vous
obtenez "Google", qui est tout aussi
puissant que Gort mais possède un
département des relations publiques bien
meilleur -- si bon en fait, que vous
ignorez probablement que le 31 juillet
2009, Google a bloqué l'accès à
pratiquement l'ensemble d'Internet. Et,
afin peut-être de ne pas être moins
performant que dans un film de
science-fiction datant de 1951, il le
fit pendant 40 minutes.
Impossible, direz-vous. Pourquoi le
gentil Google ferait-il quelque chose
d'aussi apocalyptique, et,
techniquement, comment une seule
entreprise pourrait-elle bloquer l'accès
à plus de 100 millions de sites Internet
?
La réponse réside dans le monde sombre
et trouble des listes noires de sites
web -- des listes changeantes de sites
Internet qui contiennent des logiciels
malveillants qui pourraient infecter ou
endommager des ordinateurs personnels.
Il existe de nombreuses listes de ce
type -- et même des outils, tels que
blacklistalert.org qui parcourent de
multiples listes noires afin de vérifier
si votre adresse IP figure sur l'une
d'elles. Certaines listes sont un peu du
travail d'amateurs -- des recueils où on
soumet le nom ou l'adresse IP de sites
suspects. D'autres, en général tenues
par des entreprises de sécurités qui
contribuent à protéger d'autres
sociétés, sont plus high-tech,
et font appel à des robots d'indexation
("crawlers") -- des programmes
informatiques qui ratissent constamment
Internet.
Mais la meilleure liste de sites
suspects, et la plus longue, est celle
de Google, lancée en mai 2007. Puisque
Google passe la Toile au peigne fin de
façon plus systématique que quiconque,
il est le mieux placé pour trouver les
sites malveillants. En 2012, Google a
reconnu qu'il ajoutait chaque jour 9500
nouveaux sites sur sa liste de
quarantaine et qu'il affiche des
alertes-maliciel aux réponses qu'il
donne à entre 12 et 14 millions de
requêtes. Google n'indique pas le nombre
exact de sites web concernés, mais le
chiffre est certainement de l'ordre de
plusieurs millions par jour.
En 2011, Google a bloqué tout un
sous-domaine, co.cc, qui contenait à lui
seul 11 millions de sites Web, et
justifié son action en affirmant que la
plupart des sites de ce domaine
"spammaient". Selon Matt Cutts, qui est
toujours le dirigeant de l'équipe
anti-spams de Google, l'entreprise "se
réserve le droit" d'agir ainsi quand
elle le pense nécessaire. (Le droit ?
Qui a accordé ce droit à Google ?)
Et ça, ce n'est rien. Selon le Guardian,
le samedi 31 janvier 2009, à 14h40
GMT, Google a bloqué l'ensemble
d'Internet pendant ces impressionnantes
40 minutes, soi-disant, affirme la
compagnie, à cause d'une "erreur
humaine" de ses employés. Cela
correspondait à 6h40 du matin à Mountain
View, Californie, où sont situés les
quartiers généraux de Google. ce
moment a-t-il été choisi parce que c'est
une des rares heures de la semaine où
toutes les bourses mondiales sont
fermées ? Pourrait-il s'être agi
d'une de ces nombreuses blagues pour
lesquelles les employés de Google sont
célèbres ? En 2008, Google a
encouragé le public à postuler pour
faire partie de la "première colonie
humaine permanente sur Mars". Désolés,
les Marsophiles, ce n'était qu'un
canular.
Lorsque le moteur de recherche de Google
vous présente en résultat un site qu'il
a placé en quarantaine, vous y trouvez
des avertissements du style : "Ce
site contient des programmes
malveillants" ou "Ce site peut
endommager votre ordinateur".
L'information est utile si ce site
abrite réellement un maliciel, soit
parce que le site en question a été
conçu par des sales types ou qu'un site
légitime a été infecté par des pirates
avec un programme malveillant. Mais
les robots d'indexation -- les
"crawlers" -- se trompent souvent
et placent en liste noire des sites qui
se sont seulement faits "détourner", ce
qui signifie que le site lui-même n'est
pas dangereux, mais seulement qu'y
accéder par le moteur de recherche vous
redirigera sur un site malveillant. Mon
propre site Internet, http://drrobertepstein.com,
a été détourné de cette manière-là début
2012. Il n'était pas dangereux d'accéder
directement au site, mais essayer de le
faire via le moteur de recherche Google
redirigeait les utilisateurs sur un site
malveillant au Nigeria. Lorsque cela se
produit, Google vous met en garde contre
le site infecté non seulement sur son
moteur de recherche (ce qui est
logique), mais il vous empêche aussi
d'accéder directement au site en
question par de multiples navigateurs --
même des navigateurs n'appartenant pas à
Google. (Hmm. Ça, c'est bizarre. Je vais
bientôt revenir là-dessus.)
Les erreurs ne sont qu'un problème parmi
d'autres. Plus grave, c'est que, bien
qu'il ne faille qu'une fraction de
seconde à un crawler pour qu'il
vous mette sur une liste, une fois votre
site nettoyé, ces robots d'indexation de
Google mettent parfois des jours sinon
des semaines à vous retirer des listes
noires -- suffisamment longtemps pour
menacer la vie de certaines entreprises.
Ce qui est très étrange, quand on
considère à quelle vitesse les systèmes
automatisés en ligne fonctionnent de nos
jours. Quelques secondes après avoir
réglé en ligne votre billet d'avion,
votre siège est réservé, votre carte de
crédit débitée, votre reçu affiché, et
un courriel de confirmation apparaît sur
votre messagerie -- toute une série
complexe d'opérations impliquant de
multiples ordinateurs commandés par au
moins trois ou quatre sociétés
différentes. Mais quand vous informez le
système automatisé de liste noire de
Google que votre site Internet est
maintenant propre, on vous conseille
seulement de revenir de temps à autre
vérifier si des mesures ont été prises.
Pour vous faire retirer de la liste une
fois votre site réparé, il vous faut
soit vous bagarrer avec les outils en
ligne du webmestre de l'entreprise, qui
sont loin d'être conviviaux, soit il
vous faut engager un expert en sécurité
-- habituellement pour des honoraires
allant de 1.000 $ à 10.000 $. Aucun
expert néanmoins, ne peut accélérer le
processus mystérieux de désinscription ;
le mieux qu'il/elle puisse faire, c'est
de le mettre en route.
Tout ce que je vous ai dit pour
l'instant, c'est que les crawlers de
Google ratissent Internet, trouve
parfois ce qui semble être des sites
suspects et qu'il les place sur une
liste de quarantaine. L'information est
ensuite annoncée à l'utilisateur par le
moteur de recherche. Jusque là, ça va.
Sauf bien sûr, pour les erreurs et pour
se faire retirer de la liste. On
pourrait même dire que Google accomplit
un service public, un argument utilisé
par certains familiers de la liste de
quarantaine, pour la défendre. Mais j'ai
également signalé que Google empêche en
quelque sorte les gens d'accéder
directement aux sites par le biais de
multiples navigateurs. Comment donc
pourrait-il faire ça ? Comment Google
pourrait-il vous bloquer alors que vous
tentez d'accéder à un site en utilisant
Safari -- un produit Apple -- ou
Firefox, un navigateur géré par Mozilla,
l'autoproclamé "défenseur à but
non-lucratif d'un Internet libre et
ouvert" ?
La clé ici, ce sont les navigateurs.
Aucun fabricant de navigateurs ne veut
vous envoyer sur un site malveillant,
mais puisque Google possède la meilleure
liste noire, d'importants navigateurs
tels que Safari et Firefox -- et Chrome,
bien sûr, le propre navigateur de
Google, tout comme des navigateurs qui
se chargent via Android, le système
d'exploitation mobile de Google --
vérifient la liste de quarantaine de
Google avant qu'il vous envoie à un
site. (En novembre 2014, Mozilla annonça
que Google ne serait plus son moteur de
recherche par défaut, mais confia qu'il
continuerait à se fier à la liste de
quarantaine de Google pour filtrer les
requêtes de recherche des utilisateurs.)
Si Google a mis le site en quarantaine,
vous verrez une de ces grosses images
effrayantes racontant des choses comme "Sortez-moi
de là !" ou "Site où une
attaque a été signalée !" Dès
lors, étant donné les réglages de
sécurité par défaut présents sur la
plupart des navigateurs, il sera
impossible à la plupart des gens de se
rendre sur le site -- mais qui le
voudrait ? Si le site ne figure pas sur
la liste de quarantaine de Google, on
vous laisse faire.
OK. Cela explique pourquoi Google vous
bloque même quand vous utilisez un
navigateur n'appartenant pas à Google,
mais pourquoi vous bloque-t-il ?
Autrement dit, en quoi vous bloquer
alimente-t-il la vorace machine
publicitaire -- la condition sine
qua non de l'existence de Google ?
Avez-vous déjà compris l'astuce ?
L'arnaque est aussi simple que géniale :
quand un navigateur interroge la liste
de quarantaine de Google, il a seulement
partagé des informations avec Google.
Avec Chrome et Android, vous fournissez
toujours des renseignements à Google,
mais vous le faites même si sous
utilisez des navigateurs extérieurs à
Google. C'est-à-dire là où se trouve
l'argent -- plus de renseignements sur
l'activité de recherche aimablement
fournis par les navigateurs concurrents.
La quantité d'informations partagée
dépendra de l'accord particulier
existant entre Google et cette
entreprise. En cas d'accord pour un
maximum de renseignements, Google
apprend l'identité de l'utilisateur ; si
l'accord est minimal, Google sait tout
de même quels sites web les gens veulent
visiter -- des données précieuses quand
il s'agit de classer des sites web.
Google peut également faire payer
l'accès à sa liste de quarantaine, mais
ce n'est pas ce qui lui rapporte le plus
d'argent.
Chrome, Android, Firefox et Safari
assurent actuellement environ 92 % de
tout le trafic de navigation aux
États-Unis -- 74 % du trafic mondial --
des chiffres en augmentation. Au moment
où j'écris, cela veut dire que Google
collecte régulièrement, par sa liste de
quarantaine, des informations provenant
de plus de 2,5 milliards de gens. Au vu
du pacte récent conclu entre Microsoft
et Google, nous pourrions apprendre au
cours des prochains mois que Microsoft
-- à la fois pour économiser de l'argent
et améliorer ses services -- commence
aussi à utiliser la liste de quarantaine
de Google, au lieu de la sienne,
beaucoup plus limitée. Ce qui
augmenterait encore le volume
d'informations reçu par Google.
En d'autres termes, Google s'est
développé, et se développe toujours, sur
le dos de certains de ses concurrents,
l'utilisateur final oubliant -- comme
d'habitude -- les frasques de Google. Il
s'agit là d'un autre exemple de ce que
j'appelle "la Danse de Google" -- la
manière remarquable dont Google affiche
une image publique sympathique dans des
activités qui n'ont qu'un objectif pour
la compagnie : augmenter ses bénéfices.
En apparence, sa liste de quarantaine
est encore pour Google un autre moyen de
nous aider, gratuitement, tel une brise
passant dans notre journée, sûr et bien
informé. Mais si on gratte un peu, cette
liste n'est qu'un nouveau moyen pour
Google de thésauriser plus de
renseignements sur nous, afin de les
vendre à des annonceurs.
Vous ne serez peut-être pas d'accord,
mais à mes yeux les pratiques de Google
liées aux listes noires fait jouer à
l'entreprise le rôle d'un flic Internet
brutal -- un rôle jamais autorisé par
aucun gouvernement, aucune organisation
à but non-lucratif, ni association
industrielle. Tout se passe comme si la
plus grosse brute du coin s'épinglait
soudain un badge et se mettait à
patrouiller, en fermant les magasins
selon son bon plaisir, jetant au passage
un coup d'œil en douce dans les
vitrines, et prenant des photos qu'il
vend ensuite au plus offrant.
Réfléchissez à ceci : au début de la
saison des vacances fin 2013, un magasin
en ligne de sacs à mains a subi une
baisse de 50 % de son chiffre d'affaires
à cause des listes noires. En 2009, il a
fallu 60 jours à une entreprise de
pesticides écologiques pour surmonter
tous les obstacles nécessaires au
retrait des avertissements de Google, un
délai qui l'a menée au bord de la
faillite. Et parfois le processus de
liste noire paraît personnalisé : en mai
2013, John Dvorak, le chroniqueur aux
idées bien arrêtées de PC Magazine s'est
demandé "quand Google est-il devenu
la police d'Internet ?", lorsque
son site web, comme son site podcast, se
sont retrouvés sur la liste noire. Il a
également vécu le problème du retrait de
la liste : "Drôle, comme le site
peut être placé sur une liste noire en
une milliseconde par une analyse, mais
qu'il me faille attendre la
saint-glinglin pour être débloqué par
la même analyse opérant la même
vérification. C'est quoi, ça ?"
Google pourrait-il avoir l'arrogance de
chercher noise à un éminent journaliste
? Selon CNN, en 2005 Google a "mis
sur liste noire pendant un an tous les
reporters de CNET, lorsque le site web
populaire d'informations
technologiques a publié des
renseignements personnels sur un des
fondateurs de Google" -- Eric
Schmidt -- "dans un article sur les
craintes grandissantes sur la
protection de la vie privée." La
compagnie a refusé de commenter le
reportage de CNN.
La pratique mystérieuse et égoïste de
Google concernant la mise sur liste
noire est l'une des nombreuses raisons
pour lesquelles Google devrait être
règlementé, au même titre que les
compagnies téléphoniques ou les bureaux
de crédit. Les récentes actions
anti-trust de l'UE contre Google, le
rapport du personnel de FTC (la
commission fédérale du commerce - NdT)
récemment "fuité", sur les classements
de recherche partiaux de Google, l'appel
du président Obama à la régulation des
fournisseurs de services Internet -- ont
tous leurs mérites, mais ils négligent
un autre danger. Aucune compagnie, qui
est responsable devant ses actionnaires
mais pas devant le grand public, ne
devrait posséder le pouvoir d'acculer
instantanément à la faillite une autre
compagnie, ni bloquer l'accès à aucun
site web du monde. Le nombre de fois où
Google se montre irresponsable est hors
de propos ici. Il a la possibilité de le
faire, ce qui veut dire qu'en l'espace
de quelques secondes, n'importe lequel
des 37.000 employés de Google disposant
des mots de passe ou capacités adéquats
pourrait faire disparaître du paysage un
candidat à une élection ou même
paralyser une grande partie de
l'économie mondiale.
Il est probablement nécessaire de
disposer d'un certain degré de censure
et de mise sur liste noire ; je le
reconnais. Mais la suppression
d'informations sur Internet doit être
gérée par des responsables publics, ou
au moins être soumis à leurs règles, et
chaque aspect de leurs opérations être
transparent pour tous.
Mise à jour du 23 juin 2016. Les
lecteurs ont attiré mon attention sur une
10ème liste noire de Google, que
l'entreprise applique à son service
de ventes en ligne. En 2012, le
"shopping service" a interdit la vente
d'armes ou d'objets assimilés, dont
certains éléments qui pouvaient encore
être vendus via AdWords. La politique de
liste noire de Google, au commerce, même
si elle interdit avec raison la vente de
produits de contrefaçon ou protégés par
des droits d'auteur, comprend aussi une
catégorie fourre-tout : Google peut
interdire la vente de tout produit ou
service que ses employés considèrent
comme "offensant ou inapproprié". Il
n'est prévu aucun moyen de recours.
https://www.usnews.com/opinion/artic...t-be-regulated
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