Bonjour à tous,
Je commencerai cette discussion par une blague. Mais le sujet est néanmoins sérieux.

J'essaie de me faire des amis ailleurs que sur Facebook tout en appliquant les mêmes principes.
Je descends donc chaque jour ma rue et je raconte aux passants ce que j'ai mangé, comment je me sens à ce moment-là, ce que j'ai fait la soirée d'avant, ce que je vais faire plus tard et avec qui.
Je leur donne des photos de ma famille, de mon chien et de moi en train de jardiner, de trier des trucs dans le garage, d'arroser la pelouse, debout devant des monuments, de conduire en ville, de déjeuner, et de faire ce que tout un chacun fait quotidiennement.
J'écoute aussi leur conversation, je les approuve en levant les pouces, et je leur dis que je les aime bien.
Et ça se passe comme sur Facebook ! Quatre personnes me suivent déjà : deux policiers, un détective privé et un psychiatre.
Indépendamment de la plaisanterie là-dessus, (et il y a souvent, dans la parodie, une profonde vérité

Je raconte cette histoire en partie pour me moquer de moi-même. Pensant (tout à fait à tort !) que le film The Social Network (Le Réseau social, au Québec), sorti en 2010, était une biographie classique, et flatteuse, de Zuckerberg, je me suis jamais préoccupé d'aller le voir.
Mais le script en avait été écrit par Aaron Sorkin, à l'esprit brillant, plein de répartie (et webophobe), qui a également écrit cette année l'extraordinaire et incisif Steve Jobs. Après m'en être trouvé complètement désarçonné (une autre histoire), j'ai lu les critiques portant sur The Social Network. Beaucoup l'ont comparé au Citizen Kane de 1941, lequel, à son tour, a été considéré comme le plus grand film de tous les temps. Ça, c'est vraiment un compliment !
Le parallèle avec Citizen Kane vient de ce que The Social Network narre l'histoire de Zuckerberg -- usant de la parabole quasi-shakespearienne d'un brillant, mais déficient jeune homme de 19 ans, si socialement incompétent et inadapté qu'il a fini par créer Facebook -- en tant que substitut tout aussi déficient et inadapté à d'authentiques et valorisantes relations humaines.
Les critiques littéraires avaient raison : C'est un chef-d'œuvre incisif. Je m'en suis voulu d'y avoir tourné le dos jusqu'à présent. Si quelqu'un d'autre l'a manqué, servez-vous ici :
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Voici juste quelques citations tirées des critiques :
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Facebook a modifié la manière dont nous échangeons et dont nous nous relions aux gens. Il a, en un sens, rapproché les gens en les éloignant -- les autorisant à faire fi des rituels peu confortables du face-à-face, auxquels beaucoup d'entre nous sont maladroits.
- "Nous vivions dans des fermes, nous vivions dans des grandes villes, maintenant nous vivons sur Internet" (dans le film, une réplique de Sean Parker, l'investisseur Internet)
- ... le paradoxe que Facebook, le mécanisme qui a transformé au moins deux générations, ait été créé par un inadapté social.
- L'Histoire a souvent été écrite par des gens qui ressemblaient beaucoup aux Vinklevoss [des personnages réels qui apparaissent également dans le film, et qui ont poursuivi Zuckerberg en justice pour avoir volé leur idée] : des golden boys aristocratiques sachant utiliser leurs grands avantages, et le talent des autres comme levier.
- L'avenir peut en grande partie appartenir à des gens semblables à Zuckerberg, que le film présente comme un petit rongeur indéchiffrable en sweat à capuchon et en tongs, crispé et angoissé, spontanément arrogant avec sa supériorité intellectuelle et son ambition, presque aussi dépourvu de conscience de soi que d'empathie pour les autres.
- L'attitude de Mark, invité à fouler le tapis rouge par des responsables universitaires, est instructive. Il est sans complexes, provoquant, et pense même qu'il mérite d'être félicité pour avoir identifié les failles de sécurité qu'il a exploitées.
- Ce sens anarchique de son droit est l'essence de la mentalité du hacker, ou d'un type de mentalité du hacker, où les seules valeurs sont le savoir-faire, l'exploit et la réputation. "Si vous êtes assez idiot et incompétent pour vous laisser compromettre par moi, vous méritez d'être compromis, et moi je mérite qu'on m'en attribue le mérite."
- Et, pour finir -- cette conversation a été enregistrée :
"Si par hasard vous avez besoin d'infos sur n'importe qui, à Harvard, a dit un jour Zuckerberg à un ami sur IMed, j'ai plus de 4000 e-mails, photos et adresses."
Lorsqu'on lui a demandé comment il avait obtenu ces infos, Zuckerberg a répondu, en quatre messages successifs : "les gens l'ont juste raconté" ; "j'ignore pourquoi" ; "ils "me font confiance"" ; "pauvres c***llons".
Il a bien fait attention à placer "me font confiance" entre guillemets, comme quand on utilise du jargon peu familier.