Kindra Arnesen au Gulf Emergency Summit
Nouvelle-Orléans, 19 juin 2010
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25 juin 2010
OK, je n'ai pas l'habitude de donner des conférences, alors
soyez indulgents avec moi. Je tâcherai de rendre ça aussi digeste que
possible.
Pour vous expliquer où je vis, je suis en effet celle qui habite tout
au bout. Je suis à Point 5 sur l'autoroute 23 à Plaquamines Parish Sud,
en Louisiane. Gardez à l'esprit pendant que je vous parle, que je suis
la mère d'un petit garçon de cinq ans et d’une petite fille de huit ans
qui ressemblent à leur papa.
Ceci étant dit, quand tout ceci a commencé, je ne savais vraiment pas
quoi faire, à qui poser des questions, qui allait nous donner des
réponses.
Le premier jour où nous avons été présentés à quelqu'un de chez BP, ils
sont entrés dans notre bâtiment et ont dit : BP fait des affaires
correctement. Ouais! Pouvez-vous le croire ? BP fait des affaires
correctement et nous sommes ici pour nous occuper de tout, les gars.
Eh bien, 61 jours plus tard, ces propos sont une blague, au bas mot.
Pour vous donner une idée de ce que j'ai vécu : il y a quatre semaines,
je me suis levée lors d'une réunion à l’hôtel de ville et j’ai
effectivement mis au pied du mur ceux qui étaient concernés; à la fin
de leurs discours ils en bredouillaient.
Quoi qu'il en soit, j'ai été invitée la semaine suivante à me rendre
derrière « les lignes ennemies ». Ils m'ont donné, entre toutes, un
laissez-passer de sécurité pour assister aux réunions de centre des
opérations à Venice, en Louisiane. 8h du matin, une invitation porte
ouverte pour être là comme une mouche. Vous y croyez?
Ça se passe vraiment.
Ils m'ont aussi donné une autorisation pour entrer au Poste de contrôle
des incidents intérieurs, qui couvre toute la région de la Louisiane.
J'ai été dans les avions des garde-côtes jusqu’au site même.
Hélicoptères. Tours en bateau. J'ai été partout où on pourrait vouloir
aller pour vraiment voir de l’intérieur ce qui se passe.
Maintenant, je voudrais tout d'abord vous dire que je ne suis pas du
tout impressionnée. Quelqu'un m'a dit ce matin qu'ils pensaient que
j'étais passée de l’autre côté. Eh bien, j'ai choisi mon camp il y a
longtemps. Mon père était pêcheur professionnel et mon mari est pêcheur
professionnel. Chaque homme que j'ai connu, aimé et respecté est sur
l'eau. Ce sont des hommes bons.
En tout cas, au long de la semaine dernière, j'ai entendu dans les
réunions d’opérations : Nous devons réduire les coûts. Oui, c'est ce
qu'ils ont dit, qu'ils doivent réduire les coûts.
J'ai failli tomber de ma chaise la première fois que j’ai entendu ça,
mais j'essaye de rester là où je suis parce qu'il faut que quelqu'un
soit à l'intérieur pour surveiller et voir ce qui se passe.
Ceci étant dit, ce que j’ai vu comme postes de réduction de coûts est
tout à fait malheureux. Ce que nous appelons à Venice, ce qu'ils
appellent...
D'abord nous devons comprendre cette expression : poneys et ballons. Le
seul endroit où j’aie jamais vu de poneys et de ballons c’est au
cirque. N'est-ce pas? En tout cas, environ une semaine et demi plus
tard, j'ai appris ce que signifiait « des poneys et des ballons. » «
Des poneys et des ballons » signifie que chaque fois qu’une figure
officielle se dirige où que ce soit par ici, ils en sont avertis.
Tous les moyens sont déployés dans les secteurs les plus durement
touchés. Le personnage officiel arrive, fait un vol de reconnaissance,
Bon boulot les gars , leur tapote le dos.
Quand ce fonctionnaire disparaît du secteur le plus durement touché, il
en va de même pour 75 à 80 % de la réaction [mise en place]. Ça se
passe. Ça se passe tous les jours. Je l’observe. Je le vois. Je ne suis
pas d'accord avec ça. Personne dans cette pièce ne sera d'accord avec
ça. Personne dans notre grande nation ne sera d'accord avec ça.
Nous sommes quantité négligeable pour ces gens. Nous n'avons pas
d’importance. Maintenant je vais arrêter avec ça, et je suis désolée de
parler en cercles, mais c'est la Cadienne en moi. Si tout le monde ne
suit pas, dites-le-moi.
Quoi qu'il en soit, je vais aborder les questions de santé un moment,
si vous le voulez bien.
J'ai assisté pendant des heures interminables à des réunions avec des
officiers de sécurité de BP. J'ai assisté pendant une heure trois quart
à une réunion avec les officiers de sécurité des garde-côtes, tous deux
au Poste de commandement des incidents intérieurs, et avec quelqu’un de
l’OSHA (agence chargée de la sécurité et de la santé sur les lieux de
travail).
Pour obtenir un respirateur pour nos sauveteurs – et il ne s'agit pas
uniquement des pêcheurs professionnels – je parle des membres des
garde-côtes, de tous les sauveteurs, des gens de la rue, de tous ceux
qui sont impliquées.
Premièrement : Ils doivent remplir un questionnaire OSHA. Deuxièmement
: Ils doivent subir un examen physique auprès d’un professionnel de la
santé.
Mais, l'EPA (Ministère de l'Environnement) fait du contrôle aérien. «
Tout va bien. » C'est super. Ouais, rendez-vous compte.
En tout cas, il existe de fait une règle quelque part, dans la loi de
l'OSHA, qui dit que les volontaires ont le droit de porter un
respirateur pour volontaires. Mais, comme nous le savons
tous, BP a envahi
notre Golfe. Je veux dire, BP règne, maintenant, sur notre Golfe. Le
fait est: voilà qui est en charge de la situation.
Ils n'arrivaient même pas à diriger leur propre société et ils sont
responsables de cette opération ! Je suis totalement révoltée !
Ils ne peuvent pas porter de respirateur artificiel parce que s'ils ne
sont pas correctement formés... Selon les règles de BP, il faut être
correctement formé pour pouvoir porter un respirateur. Maintenant, BP a
dit qu'ils fourniraient la formation ainsi qu’un respirateur. Mais,
tout va bien ! Et donc ils ne doivent pas être formés et ils n'ont pas
besoin de respirateur. Et en ce qui concerne le droit de porter un
respirateur artificiel ? Devinez quoi ? Si vous ne suivez pas les
règles de BP, vous n'avez pas de travail. Et c'est ce qu'ils m'ont dit.
Alors, je leur ai demandé de parler des sept hommes qui ont été
transportés, l’un en hélicoptère, les six autres en ambulance... Je
leur ai demandé s'ils étaient libres d’en parler avec moi. Et ils ont
dit, Oui madame, nous le sommes. Je suppose que ces gars n'avaient pas
idée à qui ils parlaient.
La première réponse de M. Hayward a été l'intoxication alimentaire.
Quatre bateaux différents, tous à… complètement distants les uns des
autres. Intoxication alimentaire.
La deuxième réponse était l'épuisement dû à la chaleur.
Ensuite mercredi dernier – non, excusez-moi, mercredi il y a une
semaine – quand je me suis assise avec des agents de sécurité de l’OSHA
et de BP, la personne de l’OSHA m'a informée que les quatre bateaux
avaient pris du Pine Sol, en avaient pulvérisé partout sur leurs
bateaux, et s'étaient ensuite assis et avaient respiré les vapeurs
toute la journée, et c'est ce qui avait entraîné l'empoisonnement
chimique.
Attendez une minute ! J'ai été sur des bateaux toute ma vie. J'ai été
partout avec des capitaines. Quand nous vaporisons quelque chose sur
notre bateau, nous le lavons directement. Sinon, ça mange la peinture
du bateau. Nous prenons soin de nos affaires.
Donc ça et là, c’était tout simplement un mensonge flagrant.
Je leur ai alors demandé – je leur en ai lancé une comme ça – j'ai dit:
Bon, qu’en est-il des gens du 11-Septembre ?
Il a dit: C'est drôle que vous demandiez ça, parce que j’ai fait ce
travail. Nous les suivions avec des respirateurs, en les suppliant de
les porter.
Et il a en fait montré du doigt nos pompiers de New York. Ouais, il l’a
fait! Des gens qui sont en train de mourir lentement d’empoisonnement
chimique, au moment même où nous sommes assis ici cette pièce. Il les a
pointés du doigt en disant qu'ils s'étaient retournés et lui avaient
fait un doigt d’honneur, en lui disant: Nous ne portons pas de
respirateur, nous cherchons nos amis.
Des pompiers entrainés ? À New York ? Est-ce que vous êtes sérieux ?
J'aurais voulu le gifler ! Mais, je me suis bien tenue.
Quoi qu'il en soit, mes enfants ont eu quatre éruptions cutanées. Ma
fille a fait une éruption la première fois. Je l'ai emmenée en Floride
pendant quatre jours. Ça a disparu par enchantement. Je l’ai ramenée,
elle a de nouveau fait une éruption. Je suis repartie, elle a guéri. Et
aujourd'hui, elle fait de nouveau une éruption. Sans mentionner que ma
belle et brillante étudiante, en parfaite santé, ma magnifique petite
fille a une double infection de l’oreille et des problèmes
respiratoires supérieurs. Je suis partie et suis allée à Bâton Rouge,
et en rentrant à la maison en voiture: s’éclaircir la gorge, cette
viscosité, cette irritation respiratoire supérieure.
Vous savez, le point final ici est le suivant: ce matin j'ai contacté
Mlle Marla Cooper, qui est Conseillère municipale du District 9 pour la
commune de Plaquamines. Mlle Marla a trois petits-enfants dans notre
secteur et elle est juste une super grand-mère et une bonne maman. Et
je lui ai dit : Mlle Marla, nous devons réclamer une évacuation de
notre secteur. Nous ne pouvons pas permettre que nos concitoyens
restent assis comme si nous étions au beau milieu du…
Nous le sommes ! Ce truc est sur les trois côtés de ma maison ! Je vais
dehors et il y a une brume. Ils appellent ça « des jours de mauvais air
». Les gars, restez à l'intérieur, mettez votre climatiseur en mode
recyclage. Tout va bien.
Mais pourquoi devrions-nous nous enfermer dans notre maison ? Vous
pensez vraiment que ça va le couper ? Est-ce que vous croyez vraiment
que ça va améliorer la situation ? Non, ça n'aide en rien! D’où
pensez-vous que provienne l'air à l'intérieur de la maison ? De
l'extérieur de la maison.
Ces gens, ils ne cessent de me stupéfier.
Le manque d'humanité, ici.
Je sais que ma commune ne fait qu’à peine deux pour cent de la
population de la Louisiane, mais est-ce que cela fait de mes
concitoyens des poids morts ?! C'est inacceptable !
Ils sont lentement en train d'empoisonner chaque personne qui m'ait
jamais été proche de toute ma vie et je suis debout ici à dire : cela
suffit !
Maintenant, si je froisse quelques plumes et que j'en fâche certains,
qu’à cela ne tienne. Ça m'est égal.
Mes gens sont plus importants à mes yeux que leur dernier mot. Et ça,
c’est mon dernier mot.
Donc, essentiellement, toute cette comédie de poneys et de ballons...
Si quelqu'un n'intervient pas pour surveiller correctement cette
opération… Notre marais est à présent utilisé comme un barrage
flottant, un barrage flottant surmené, une grosse, une gigantesque
éponge. C'est des deux côtés de nous. Ça se remplira, et ça se remplit,
constamment. Nous avons du brut lourd, très lourd, qui pénètre partout
dans notre marais, à l'instant même où nous parlons.
Ils déploient, et ensuite ils retirent quand un politicien arrive, ceci
n’est pas acceptable !
Ce n’est pas une opération de nettoyage, c’est une opération de
dissimulation ! C'est... Nous n’en sommes qu’au tout début. Ça pourrait
durer des années et ils réduisent déjà les coûts!
Réduire les coûts, raboter les coins et prendre des raccourcis est la
raison pour laquelle nous sommes tous rassemblés dans cette pièce
aujourd'hui.
Ça suffit maintenant !
Maintenant, en ce qui concerne l’EPA, OSHA, NOAA (Administration
océanique et atmosphérique nationale), BP et le gouvernement fédéral,
ils... Chacun d’entre eux collabore les uns avec les autres. Ça vient
de quelqu'un au sommet de NOAA. Voilà le genre de personnes auxquelles
j'ai parlé. C'est venu de quelqu'un de haut-placé à NOAA, qu'ils sont
tous en intelligence avec BP.
Vous plaisantez!?
Pour qui ces gens travaillent-ils donc ?
Je croyais qu'il s'agissait de nos agences destinées à protéger au
mieux nos intérêts, notre monde, notre Terre, nos vies. Et que se
passe-t-il ici ? Sommes nous à ce point dépendants de ces banques, pour
simplement nous coucher sur le dos et les laisser empoisonner notre
monde, et les gens qui y vivent ? C'est inacceptable!
Une semaine après cela ait commencé, ils voudraient nous dire: Il n’y a
rien qui se passe, il n’y a rien qui meurt ? Une semaine après cette
histoire, j'ai voyagé 100 km à l'est du site d’origine. Il y avait ces
coquillages flottant partout à la surface de l'eau. Des centaines de
milliers d'entre eux. Ils étaient vides parce qu'ils étaient morts. Je
n'ai jamais vu de coquillages flotter de ma vie. Morts. Une semaine
après.
Il y a quatre semaines, quand le pétrole a été orienté pour frapper la
côte ouest de notre péninsule, j'étais tellement furieuse après avoir
été à Pascaloocha et avoir vu ce qui n'était pas fait là-bas, que j’ai
pris mon bateau – ma dîme, mon temps – et j'ai fait un voyage. J'étais
comme Fox National News sur mon bateau. J'ai voyagé 16 km de Red Pass,
vers Fort Bayous, environ 16 km du côté Est de Grande Île.
Donc, le pétrole était dirigé pour frapper ce côté de la péninsule. 48
km. Je n’ai rencontré aucun sauveteur. Je ne me suis pas heurté à un
seul morceau de barrage flottant, dur ou mou. 46 mètres de sacs de
sable sur une zone de 48 km de littoral. C'est inacceptable!
Alors, j'ai décidé sur le chemin du retour de parcourir un peu la côte
pour voir ce qui se passait. Je suis tombée sur du pétrole à 1200 m au
large de la côte. Pas en fine nappe. Du brut. Alors que je roule le
long de la côté, de retour vers Red Pass, je regarde de l'autre côté du
Golfe et je remarque qu'il y a de grands rassemblements d'oiseaux.
Ce n'est pas inhabituel. J'ai supposé qu'ils plongeaient sur des
appâts. Mais pourquoi plongeaient-ils dans la nappe de pétrole ? Parce
que les oiseaux ne savent pas faire mieux.
Nous roulions vers les oiseaux. Je voulais voir ce dans quoi ils
plongeaient. J'étais... Je voulais savoir. En arrivant près des
oiseaux... Je ne sais pas si vous avez beaucoup été sur l'eau, ou même
si vous avez déjà vu un grand banc de poissons. Ils font comme une
ébullition sur l'eau. Ça ressemble à une marmite en train de bouillir.
Les poissons font frémir l'eau comme si elle bouillait. En nous
avançant là, il y avait des grands bull reds (poissons) avec leurs
bouches ouverte à la surface de l’eau, couchés sur le côté, nageant à
l'envers en cercle.
De nouveau, des centaines de milliers d'entre eux, banc après banc
après banc. Ils mouraient. Ils étaient si désorientés qu'ils se
heurtaient aux flancs de mon bateau.
[Un membre de l'auditoire demande pourquoi on n’en parle pas aux
nouvelles.]
C'est une très bonne question. FOX National News jure que c'est sur
leur site Web, mais je l'ai fouillé de fond en comble. J'ai même… Vous
savez quoi ? J'ai le numéro de téléphone du cameraman dans mon sac,
ici. On peut l'appeler après et savoir exactement ce qu’il en est. Je
les ai déjà appelés et leur ai demandé à maintes reprises, mais ils ne
veulent pas me dire. Vous savez quoi ? Tout le monde parle d’un
blackout des médias, un black out des médias.
Oui madame, il y a un blackout des médias. L’émission 60 Minutes de
Sydney en Australie, est venue ici et ils ont fait un très bon
reportage. Je l'ai regardé sur leur site Web. La transcription est
toujours là. 24 heures après que la vidéo ait été publiée sur le site
Web, elle a disparu.
[Note de l'éditeur : elle peut être vue ci-dessous
(en anglais).
La qualité de l'image est moyenne, mais néanmoins suffisante.]
Vous savez, concernant le commentaire « le pêcheur peut attraper
la crevette ailleurs », je voudrais dire quelque chose de façon très
claire.
Nous avons combattu les importations et les règlements au cours des
20 dernières années. Ils nous ont soumis à des régulations jusqu’au
point
où, comme pêcheur professionnel, mon mari détient personnellement sept
permis différents. La seule chose que mon mari ne fasse pas, ce sont
les huîtres.
Donc, s'il y a de la crevette ailleurs, ou si nous pouvons utiliser
des filets à branchies ou quoique ce soit d’autre pour nous permettre
de
fournir une source de nourriture pour ce pays, une façon naturelle
d'alimenter les gens, alors que quelqu'un m'indique cette direction et
qu’il me fasse savoir où cela se trouve, parce que j'ai regardé partout.
Je suis revenue ici il y a quatre ans et demi et j’ai reconstruit sur
les décombres parce que c'est ma maison et que j'aime la Louisiane. Je
vis au milieu de nulle part, dans un bled.
La vérité finale ici, c’est que si le pays ne se lève pas pour dire
c'est assez!...
Nous devons agir. Nous ne pouvons pas nous asseoir. Et si ce truc ne
s’arrête pas, les amis, ça va devenir mondial. Ça détruira un tiers de
l'eau dans le monde. Vous pouvez miser là-dessus ! S’ils n’arrêtent pas
cela – tous les océans sont connectés – cela continuera sans fin.
Comme dit ma fille: infini plus 2.
Assez c’est assez.
Je répondrai à toutes les questions après. Merci pour votre écoute.
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